Jonathan Chabrol: «À Chamonix, les jeunes adorent le vélo et l’idée de transformer de la matière organique en compost»

En mars 2022, la classe 3èmeC du Collège Roger Frison Roche de Chamonix a rencontré Jonathan Chabrol, fondateur de l’association Ecotrivelo.

Toute l’année, en été comme en hiver, Jonathan Chabrol sillonne les rues de Chamonix avec son vélo pour collecter les déchets organiques produits par les restaurants de la ville. Avec son association Ecotrivelo, il contribue à préserver l’environnement. Il souhaiterait développer son activité dans toute la vallée. Pour cela, il a besoin de collaborateurs bénévoles et de terrains disponibles pour organiser le compost.

Qu’est-ce qui vous a motivé à lancer le projet d’Ecotrivelo?
Jonathan Chabrol: Il y a maintenant quatre ans en arrière, au printemps 2018, l’association Boutch à Boutch, qui fait la promotion d’initiatives écocitoyennes pour la vallée de Chamonix, m’avait prêté un jardin dans lequel je pouvais faire mon propre compost. Comme je n’avais pas assez de compost, je me suis demandé: pourquoi je n’irais pas démarcher des restaurants pour me faire donner leurs matières organiques? J’ai commencé avec les restaurant de la Maison Carrier et de l’Hôtel Albert 1er, un cinq étoiles, et le restaurant Cap Horn. J’ai vu que ça prenait, qu’il y avait de plus en plus d’engouement. J’ai alors commencé à démarcher d’autres restaurants.

Comment avez-vous réussi à convaincre des restaurants aussi prestigieux à rejoindre votre association?
J’y suis allé au culot, je frappais aux portes. Certains restaurants ont refusé, car la collecte de biodéchets est payante, d’autres cherchaient un moyen de recycler leurs matières organiques. C’était du 50-50, certains étaient contre, d’autres pour.

Quels avantages auraient les restaurants à rejoindre votre association, puisque le service est payant?
L’avantage est l’aspect pratique, les serveurs mettent la matière dans des seaux qu’on se charge de récupérer. Comparé à quand ils jetaient les déchets dans des sacs poubelles de plus de cinquante kilos qu’ils portaient jusqu’aux containers Molok, c’est pour eux une meilleure solution.

Combien faites-vous payer le kilo de matière organique?
Le kilo de matière organique coûte cinquante centimes d’euros. Mais, selon la taille du restaurant, il y a des barèmes. De zéro à deux cents kilos, c’est cinquante centimes. Ensuite, c’est dégressif. Chaque cent kilo au-dessus de ce barème, c’est trente pour cent en moins. Le restaurant Le plan B a par exemple dépassé les six cents kilos, ils payent donc trente centimes le kilo. Plus vous faites des déchets, moins c’est cher.

Combien de matière organique récoltez-vous?
Lorsqu’il y a de gros flux de vacanciers, je récolte entre 200 et 400 kilos de biodéchets par jour.

De combien de salariés ou bénévoles dispose votre association pour transporter tout ce matériel organique ?
On aimerait avoir des salariés, on n’a que des bénévoles. À l’heure actuelle, on doit être une vingtaine. On travaille à notre rythme, sans pression aucune. Certains bénévoles viennent seulement une ou deux fois par semaine, voire une ou deux fois par mois. Il y en a qui viennent une ou deux fois par an. Moi aussi je travaille bénévolement dans l’association, mais au mois de juillet de cette année, je vais être enfin payé à mi-temps. Pour l’autre mi-temps, la mairie de Chamonix m’a embauché pour gérer tous les composteurs de quartier de la ville.

Par temps hivernaux, comment faites-vous pour transporter ces déchets organiques?
Que ce soit l’hiver ou encore l’été, c’est exactement la même chose, on fait les transports à vélo. La seule particularité, en hiver, c’est que les pneus des vélos sont cloutés et qu’il faut compter trente minute de temps de travail pour déneiger le terrain et pour nettoyer les vélos. Avec le sel et le froid, si nous ne nettoyons pas les vélos, au bout d’un mois, ils ne fonctionnent plus.

Est-ce que votre association compte s’étendre ailleurs qu’à Chamonix?  
Nous ne sommes pas seulement à Chamonix. Il y a aussi une branche aux Houches et une autre, plus petite, à Servoz. Il faudrait qu’Ecotrivelo se développe sur toute la vallée de Chamonix. Mais cela dépend des pédaleurs et des terrains disponibles. Dans la commune d’Argentière, par exemple, il y a des terrains mais pas de pédaleurs. Dans d’autres endroits de la vallée, nous avons des pédaleurs mais pas de terrains de compostage. 

Comment faites-vous pour recruter de nouveaux pédaleurs, comment faites-vous pour les convaincre? 
On publie une offre d’emploi bénévole pour venir m’aider. Les jeunes, mais aussi les moins jeunes, adorent faire du vélo et l’idée de transformer de la matière organique en compost. De ne plus jeter, ça leur convient, ça leur plaît. 

Est-ce que les bénévoles maintenant font plus de compost chez eux? 
L’expérience d’Ecotrivelo a approfondi leur connaissance du compost. Souvent, ils hésitaient à mettre certaines choses dans leurs déchets organiques. Depuis qu’ils travaillent avec nous, ils ont enrichi leurs façon de composter. 

Et vous, comment avez-vous appris à faire du compost? Avez-vous fait une formation?  
Ça remonte à vingt-cinq ans en arrière. Je viens du sud de la France, et je disais à l’époque à mon père, qui fait toujours du compost: «Papa, pourquoi tu te casses la tête, ça ne sert à rien.» Quand j’ai commencé à faire mon propre compost, je me suis servi de l’expérience de mon père, et je me suis aussi renseigné sur internet. Ensuite, j’ai suivi une formation chez Compost’Action à Chambéry pour être «guide composteur». Cette formation apprend correctement à faire du compost. Car au début, j’avais des ratés, ça puait, je n’avais pas assez de matière sèche… Maintenant, je sais gérer parfaitement un compost. 

Est-ce qu’il vous arrive de devoir refuser des offres de restaurants à cause du surplus du travail donné? 
À l’heure actuelle, on ne refuse aucun restaurant, car on arrive à gérer et j’espère ne jamais refuser, car ce serait un échec pour nous. 

Il vous est déjà arrivé d’avoir une surcharge de travail? 
Je fais souvent entre 9 heures et 10 heures de travail dans une journée, et on a souvent des surcharges de travail. Un jour, on a fait 420 kilos, ce qui veut dire 40 seaux à nettoyer, donc deux heures de boulot supplémentaire. 

Est-ce qu’il vous arrive parfois de vouloir changer d’horizon, de ne plus vouloir faire de compost?
Il y a deux ans en arrière, j’étais chauffeur routier. Je m’occupais d’Ecotrivelo dans mon temps libre et je me disais: d’un côté, je pollue la nature, je détruis la terre qui vit et donne la vie; de l’autre, je redonne de la vie à la terre. Il y a un an, je me suis alors lancé le le pari de tout arrêter pour me dédier uniquement à ma passion, le compostage et la réduction des déchets. Et j’ai bien fait!

Propos recueillis par Hugo, avec la collaboration de Zoè V. (opératrice audio),
la retranscription de l’entretien a été réalisée par Clara et Paloma,
le texte introductif par Adèle et Diane, élèves de la classe 3èmeC
du Collège Roger Frison Roche de Chamonix / Mars 2022

Jonathan Chabrol, fondateur d’Ecotrivelo. Photo © Charline / Classe 3èmeC du Collège Roger Frison Roche de Chamonix / Mars 2022
Seaux de déchets organiques récupérés d’un restaurant du centre ville de Chamonix. Photo © Augustin / Collège Roger Frison Roche de Chamonix / Mars 2022
Jonathan Chabrol avec des élèves de 3èmeC dans son terrain de compostage. Photo © Lola / Collège Roger Frison Roche de Chamonix / Mars 2022
Christelle Montcourt Annequin, collaboratrice bénévole d’Ecotrivelo. Photo © Elno / Collège Roger Frison Roche de Chamonix / Mars 2022

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