« La maison forte de Magland sera un centre de fraternité des arts »

Président de l’association Art’Vallée, Christophe Chieze défend la création d’un centre d’art dans la maison forte de Loche, à Magland. Pour mener à bien ce projet culturel ambitieux, il compte avant tout sur le financement des industriels de la vallée.

Quelle est la particularité de la maison forte de Magland ?

Je ne suis pas spécialiste de l’histoire des maisons fortes. Je suis porteur d’un projet qui a pour objectif de rénover la maison forte de Magland. C’est une maison forte du XIVe siècle, de 1352, qui avait une vocation défensive pour le seigneur de Loche. Plus récemment, elle a été utilisée comme bar et restaurant jusqu’en 1985. On le sait parce qu’il y a encore des descendants de ceux qui tenaient ce bar et il reste l’enseigne « café Perrollaz » sur la façade. Depuis, plus rien n’a été fait. Il y des fissures, le plancher est en train de se voûter, la toiture s’affaisse… Mais c’est un bâtiment de 1000m², tout en pierre, avec un escalier en vis, des plafonds à caisson décorés, une charpente remarquable…

Que comptez-vous faire de ce lieu ?

Notre association a eu l’idée il y a deux ans, de la réhabiliter. En trois étapes : d’abord refaire les fondations pour stabiliser la maison. Ensuite arrêter que les murs s’affaissent, refaire les plancher. Enfin, la restaurer dans son état d’origine, en écoutant le murmure des pierres. C’est l’intérêt d’un bâtiment d’art, c’est qu’on tient compte de son histoire. Si à l’intérieur on ne mettait que du plastique, ça perdra de son cachet. Ça va demander beaucoup de temps et beaucoup d’argent. Le projet de réhabilitation de cette maison forte, c’est entre 5 et 6 millions d’euros.

Une simple rénovation ?

Non, nous avons surtout prévu d’y installer un centre d’art contemporain. Ce lieu sera gratuit d’accès. Nous souhaitons pouvoir fonctionner entre 2023 et 2024. On pourra y trouver des expositions d’artistes, des peintures des sculptures, des photos, du son, du spectacle vivant… Ça ne sera pas un musée, mais un centre de fraternité des arts, sans instaurer un art majeur par rapport à un autre. En laissant les artistes libres, car ils sont les témoins de notre humanité et de notre siècle. Nous allons exposer des artistes contemporains vivants. Notre idée est de pouvoir organiser des rencontres avec les artistes. Nous souhaitons présenter des œuvres qui soient expliquée, de faire de la pédagogie, pour permettre au public de comprendre les codes et s’y intéresser plus facilement. 

A quoi ressemblera ce centre ?

Nous avons 1000 mètres carrés à aménager sur quatre niveaux. Nous pourrons y mettre des expositions permanentes, des expositions temporaires, une salle de séminaires pour les entreprises, notamment de décolletage qui sont nombreuses dans notre vallée, un atelier d’artistes et une résidence pour les loger. L’idée, c’est que lorsqu’on voit comment un artiste travail, ça nous rapproche de l’art. Si vous voyez un sculpteur en train de créer une œuvre, cela donne une autre compréhension de ce qu’il fait. Nous aurons aussi un lieu de restauration, permettant de découvrir des goûts. Les gens pourront venir pour manger et rester pour regarder !

Qui va payer pour cette rénovation ?

Nous sommes allés voir plusieurs mairies,  à Megève, au Mont-Saxonnex, à Châtillon sur Cluse, pour chercher un bâtiment suffisamment grand. La maison de Magland était la plus adaptée. Mais tout part d’une volonté politique. Cette maison est désaffectée depuis 1985. On aurait pu imaginer qu’on fasse un parking à la place, ça aurait coûté moins cher. Ou bien une maison médicale, il y a des besoins.

Mais aujourd’hui une mairie n’a pas les moyens de financer 5 millions d’euros. Nous avons des possibilités du côté de la fondation du patrimoine mais ça ne suffira pas. Ceux qui ont de l’argent dans la vallée, ce sont les industriels. Il y a près de 500 entreprises de décolletage dans la vallée. Si chacune met 10 000 euros c’est jouable. C’est beaucoup, mais dans un monde idéal c’est possible, d’autant que 60% est défiscalisé. C’est réalisable. Nous pouvons aussi envisager des aides européennes. Notre volonté, c’est que ce projet ne doit pas générer des impôts supplémentaires pour les habitants de Magland. 

Cette maison devra-t-elle aussi attirer des touristes, en profitant de la construction du Funiflaine, qui fera une liaison téléphérique entre Magland et les stations du Grand Massif ?

Si le Funiflaine est construit, nous allons avoir un afflux de touristes en bas à Magland, qui vont monter en station à Flaine. Nous pouvons espérer capter une partie de ce tourisme, notamment les jours de mauvais temps. Certains pourraient descendre grâce au téléphérique pour visiter notre centre d’art. Mais j’espère surtout qu’il y aura aussi des gens du coin. C’est l’objectif. Aujourd’hui, pour aller dans un beau centre d’art, il faut aller en Suisse à Martigny, à plus d’une heure de route, au Palais Lumière à Evian, ou à Genève. Nous voulons que les habitants s’approprient ce lieu.

Propos recueillis par les élèves de 5e3 du collège Jean-Jacques Gallay de Scionzier.

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