Le quartier de Châteaucreux en travaux : quelle influence sur la place et ses acteurs ?

Par Emilie, Lou, Elisabeth, Sophie, Margo, Mia, Marion B.

Situé à l’est du centre historique de Saint-Étienne, Châteaucreux occupe une position clé entre le centre-ville et la zone d’activités au nord-ouest. Ce quartier s’est développé à partir de la gare qui a été construite au XIXème siècle par des sociétés concessionnaires des chemins de fer Français. Cette place, grâce à la gare, est devenue une plaque tournante de Saint-Étienne. Cela n’était pourtant pas le cas auparavant. En effet, elle est située en périphérie de la ville au milieu du XIXème siècle mais se développe tout comme elle et met en place un véritable quartier, avec des zones d’habitations et des commerces. Châteaucreux devient ainsi un des quartiers de la ville de Saint-Étienne. La place semble être au carrefour des moyens de transports. Nous avons effectivement un parking, les lignes de tramways T2 et T3 qui relient la gare au centre-ville en six minutes en direction du nord et du sud de l’agglomération et la gare qui est la principale gare de voyageurs de la ville. C’est une gare comprenant des grandes lignes TGV reliant Paris en moins de 3h, et des lignes régionales TER vers Lyon (40 minutes, ligne TER française la plus fréquentée), Roanne, Clermont-Ferrand, Le Puy en Velay.

Ce quartier est primordial car il reste la principale réserve d’extension potentielle pour la ville. On assiste depuis peu au développement d’un quartier d’affaire avec la création du pôle multimodal autour de la gare TGV et l’installation du Siège Social de Casino.

Châteaucreux est ainsi en passe de devenir le quartier d’affaires de Saint-Étienne. Il n’a déjà plus rien à voir avec le secteur de hangars vétustes et abandonnés que l’on avait coutume de voir auparavant. L’enjeu est de conduire une mutation urbaine profonde et durable capable de produire le (re)nouveau tertiaire nécessaire au développement stéphanois.

Néanmoins, si les travaux autour de la place pourrons, dans un futur proche, rendre le quartier de Châteaucreux plus attractif et plus accessible, il reste que leur influence est majoritairement néfaste sur l’ambiance sonore de la place ainsi que sur le ressenti de ceux qui pratiquent cet espace.

Tout d’abord, rappelons que le quartier est en pleine transformation, les tours se multiplient et une nouvelle voie de tramway est créée. Pour le quartier, cela fait plus d’un an et demi qu’il est en phase de reconstruction ; en revanche, la ligne de tramway devrait être terminée en seize mois afin de poser les 18 km de rails. Économiquement, nous ne pouvons en ignorer les bénéfices : à titre d’exemple, les travaux d’infrastructure du tramway ont créé 350 emplois et ont employé 120 entreprises de travaux, sans oublier qu’un quartier plus moderne et accessible attirera sans doute la population, les entrepreneurs et les retombées économiques qu’ils apportent avec eux. C’est ce que souligne l’employé du commerce « Relay » à l’intérieur de la gare, dont les affaires sont davantage perturbées par la grève :

« Pour moi les temps sont durs ; avec la grève la gare est beaucoup moins fréquentée, il faut vraiment que ça cesse. Cependant, les travaux ne me sont pas nuisibles : bien au contraire, les ouvriers viennent acheter leurs cigarettes chez moi »

« Avant, 30 000 personnes passaient par la gare chaque jour, mais, avec la grève, cela représente beaucoup moins »

Toutefois, comment la population, c’est-à-dire celle qui vit et pratique l’espace de la place de Châteaucreux, perçoit ces travaux ? Au premier contact, la place n’apparaît pas comme un espace répulsif, comme en témoigne une jeune femme d’environ vingt-cinq ans :

« C’est un bel endroit : souvent les quartiers de gare sont peu fréquentables, mais là j’ai l’impression que nous ne sommes pas trop loin du centre-ville, c’est un lieu qui n’est pas du tout effrayant. »

« Les travaux ? Franchement de l’intérieur de la gare nous les remarquons à peine. »

Pour un jeune homme d’une trentaine d’années que nous avons également interrogé, ils sont avant tout synonymes de nuisance sonore. Étudiant en stage à l’hôpital Nord de Saint-Étienne, il ajoute que les nombreuses suppressions de trains suite aux grèves de la SNCF, ainsi que l’éloignement de la gare vis-à-vis du centre-ville invitent les voyageurs à attendre sur la place, or, le bruit dérange et incite la personne à se réfugier à l’intérieur de la gare, là où le bruit persistant du marteau piqueur ne devient plus qu’un fond sonore.

 

Malgré tout, l’ambiance sonore n’est pas entièrement incompatible avec le ressenti agréable qu’il éprouve :

« Je trouve cette place agréable. J’aime m’y arrêter et même si les travaux nuisent à la tranquillité du lieu, une fois qu’ils seront terminés ce sera un bon quartier »

Par ailleurs, la transformation de ce quartier peut s’avérer nuisible à l’image du quartier en lui-même, tout comme la fréquentation de la place a un impact direct sur le chiffre d’affaire des commerçants alentours. La gérante d’un restaurant en face de la place nous a indiqué au cours de l’enquête que  :

« C’est un peu le bazar dans le quartier, surtout en ce moment, entre les travaux, les grèves… »

« C’est un quartier qui ne vit que la journée puisqu’il est très dépendant des travailleurs. La nuit, ce quartier est plus ou moins mal fréquenté. C’est un quartier qui est assez triste qui ne connaît pas vraiment la convivialité puisque les gens sont pressés, stressés, et le bruit des travaux n’arrange rien. »

De plus, lors de l’interview, elle a déclaré reprocher à la ville de saint Étienne de ne pas aménager pour la population plutôt que pour les entreprises, comme sur d’autres places, pour rendre le quartier plus vivant. Pour une femme d’une trentaine d’années, qui n’est pourtant de passage sur la place qu’une fois par mois, le quartier de Châteaucreux est tout sauf accueillant :

« C’est un lieu agréable mais je n’y resterai pas la nuit ; on voit déjà, en journée, des gens qui  »zonent ». En tant que femme, je trouve que c’est un lieu dans lequel on n’est pas en sécurité. »

En outre, il est nécessaire de toujours garder en mémoire le débat « forme et fonction » qui est au cœur de la question d’urbanisme.

La gare Châteaucreux, par sa fonction, est une porte d’entrée dans la ville. Elle a ainsi un rôle très important à jouer dans l’appréciation de la ville par les voyageurs qui doivent, pour une raison ou pour une autre, traverser cette place. La gare est donc un moyen pour la ville de montrer l’image qu’elle souhaite partager et doit ainsi travailler sur sa forme pour servir sa fonction.

Éclairées par ce raisonnement, nous avons interrogé deux personnes d’âges différents et de même sexe, ne connaissant pas la place afin de voir comment cette place était perçue. Nous avons mené notre travail avec trois questions qui nous ont permis d’avoir un ensemble de réflexion vaste permettant l’analyse et la comparaison. Il s’agissait de demander ce que la personne pensait de la place, l’occasion pour laquelle elle devait s’y rendre et enfin trois adjectifs pour décrire la place.

La première personne, la plus jeune, âgée d’une vingtaine d’années, nous a confié à plusieurs reprises que cette place lui semblait grande, trop grande peut-être et surtout très peu accueillante, dévoilant ainsi un sentiment d’insécurité fort. Elle s’était rendue sur la place pour attendre quelqu’un puis prendre le train.

La seconde personne trouvait, à l’inverse, que cette place était « pas mal », accueillante et ouverte, moderne et dynamique. Elle avait un rendez-vous pour la travail, « avec la grève des trains », quelqu’un venait la mener à son travail. Leurs témoignages sont disponibles dans le montage vidéo.

Point important, la gare est tout d’abord un lieu de rendez-vous, de rencontre, un lieu de passage aussi. C’est donc un lieu aux multiples fonctions qui peuvent évoluer au cours du temps avec la grève SNCF par exemple.

Les deux interviews ont montré aussi qu’un même lieu peut être perçu de manières complètement différentes. L’insécurité de cette jeune fille ne vient peut être pas seulement de la gare mais de l’image qu’elle a de la ville de Saint-Étienne. La subjectivité a alors toute son importance dans le travail des urbanistes qui doivent concevoir des lieux comprenant des aménités pour chacun d’entre nous. L’aménagement du lieu, sa fréquentation, l’heure, la météo, sont autant de facteurs qui jouent dans l’appréhension d’un lieu. La gare reflète alors le sentiment qui peut se dégager de la ville en général.

Sur la place Châteaucreux, la forme sert-elle les fonctions du lieu?

La place de la gare est moderne et essaye de se moderniser encore davantage avec de grands travaux à proximité. Le mobilier urbain est lui aussi moderne. Avec ses couleurs, il semble vouloir attirer le regard et finalement essaye d’attirer les voyageurs à prendre le temps et s’arrêter sur cette place qu’ils ne font que traverser sans regarder autour d’eux. Ce mobilier moderne a toutefois des limites et pose quelques questions notamment au sujet des personnes à mobilité réduite. En effet, cette place n’est absolument pas pensée pour faciliter le déplacement des personnes en fauteuil par exemple. Des aménagements sont donc en cours à ce propos.

La place Châteaucreux possède beaucoup de potentiel, exploité et mis en valeur par la ville de St Etienne qui cherche vraiment à attirer et à plaire. Toutefois, cette place a ses limites, la gare prend le pas sur la place. La fonction prend le pas sur la forme. Personne ne s’attarde à regarder, tout le monde se presse pour prendre le train.

Cette place est donc un espace contrasté ; il est à la fois lieu de répulsion et d’attraction, de bruit et de silence, de concentration de personnes et de vide : ci-après un court montage combinant photos, vidéos et témoignages récoltés sur la place Châteaucreux.