Dans le Puy-de-Dôme, 24 heures avec un rédac’ chef de terrain

La Gazette de Thiers-Ambert est un hebdomadaire. Diffusé sur tout le bassin des deux sous-préfectures du Puy-de-Dôme (63), il est publié tous les jeudis. Composé d’une petite équipe de quatre jeunes journalistes, Marlène, Sarah, Laura et Jean-Baptiste le rédacteur en chef, le journal se revendique « de proximité ». Avec 3 000 ventes pour plus de 12 000 lecteurs, La Gazette, malgré ses moyens très modestes, affiche une stabilité économique alors que La Montagne, le seul quotidien régional, connaît, quant à lui, des pertes importantes et a dû faire face à un plan social en 2014.

Ce jeudi 5 janvier à huit heures, Jean Baptiste Botella, prend place dans le bocal attenant à la salle de rédaction. Des locaux modernes appartenant au groupe de presse Centre France, propriétaire. Dans ces grands locaux aseptisés partagés avec l’équipe de La Montagne qui occupe l’autre partie de la structure de plain-pied, les journalistes arrivent un par un. Comme tous les jeudis, la journée est un peu spéciale. Après avoir cravaché tout le début de semaine pour finir les articles, le dernier numéro de La Gazette a été bouclé encore une fois à temps pour être envoyé sur les rotatives de Clermont-Ferrand, hier, en fin d’après-midi.

Perfectionniste acharné

Entre ces quatre murs grisâtres à la décoration sommaire laissée par son prédécesseur, Jean-Baptiste Botella profite de la relative accalmie. Pour lui, la journée a commencé bien avant. Sur sa tablette tactile, il a reçu, aux aurores, bien avant les autres, la nouvelle édition de son journal. « Il y a deux ans, lorsque je suis arrivé à ce poste, l’appréhension était grande lorsque j’ouvrais l’édition », confesse le jeune trentenaire marié. « Aujourd’hui, je remarque encore des choses que le lecteur ne peut pas voir . »

Il y a deux semaines, à titre d’exemple, une erreur de pagination lui a fait dresser les cheveux sur la tête, même s’il avoue n’avoir jamais été confronté à de grosses bourdes. « Je vois les choses qui ne vont pas, explique-t-il. Quand tout fonctionne, je n’ai rien à ajouter, pour moi, le travail a été bien fait. Si je ne dis rien, c’est bon signe, en général », s’amuse-t-il à dire en soulignant la qualité et le sérieux de sa jeune équipe.
Après quelques années passées en tant que journaliste au sein de l’hebdomadaire clermontois Le Semeur Hebdo, Jean-Baptiste Botella s’est lancé dans des études de management. Pour lui, diriger un journal est quelque chose de naturel. « J’aime avoir une vision d’ensemble et à long terme sur ce que je fais », résume-t-il. Complètement repensé il y a deux ans, la ligne éditoriale joue désormais la carte de l’hyper proximité.
Dans ce nouveau numéro réduit à une trentaine de pages pour cause de vacances scolaires, le passionné de tennis en profite pour vérifier la bonne organisation des nouvelles rubriques. Depuis le 1er janvier et la mise en place effective des nouvelles intercommunalités, le journal se partage selon les frontières de ces nouveaux territoires administratifs. « Il a fallu repenser l’ordonnancement, explique Jean-Baptiste Botella. Les infos d’une commune qui se situait, par exemple, en milieu de journal, ont pu être regroupées ailleurs. Désormais, avec les intercommunalités, les gens vont s’intéresser à un plus large territoire ».

Alors que la lecture de La Gazette vient de se terminer, le rédacteur en chef profite de la matinée pour terminer sa to do list de la semaine à venir en s’assurant, par ailleurs, que celle de la semaine précédente a bien été traitée, entièrement. Sur ce bout de papier, figurent les rendez-vous qui jalonneront la semaine de l’homme à la double casquette de journaliste et de rédacteur en chef. Administratif, gestion du personnel et proposition d’article. Pour les sujets, Jean-Baptiste Botella a une vision à long terme. « Cette semaine, je finalise des rendez-vous pour un sujet sur l’éducation nationale sur le territoire, qui devrait sortir fin mars. » Pour lui et son équipe, il est important que les reportages soient planifiés à l’avance, le plus possible, pour éviter les déconvenues de dernières minutes. Avec un staff réduit, les papiers de secours ne sont pas légion.

Contrairement à son prédécesseur, le chef de rédaction de La Gazette a décidé de quitter Clermont pour rejoindre Thiers, lors de sa prise de poste. C’est donc chez lui qu’il décide de prendre sa pause déjeuner. Une maison située sur les hauts quartiers où le journaliste se sent « comme chez lui ». « Habiter sur le territoire a vraiment été un plus pour mon travail, souligne celui qui a quitté la capitale auvergnate après y être resté 10 ans. Pour mes interlocuteurs, je ne suis plus simplement un journaliste mais un citoyen. J’exerce aussi des fonctions au sein d’une association de tennis ». Désormais intégré à la population, il avoue que cette situation lui facilite le travail journalistique. Il déniche plus rapidement des sujets et obtient souvent des confidences.

Dans les locaux de La Gazette, en ce début d’après-midi, l’agence a retrouvé son énergie créatrice. Comme les moteurs qui ronronnent avant un départ de course, chacun vérifie les sujets qu’il proposera à la conférence de presse, dans quelques minutes. La réunion est protocolaire. Jean-Baptiste Botella a déjà sélectionné une série de reportages et les soumet à l’équipe qui les valide ou non. Parfois, la pertinence ou la faisabilité sont remises en cause et l’ensemble des journalistes s’emploie à affiner l’angle car les sujets sont rarement mis au placard. Après une petite heure de débat, le cœur du réacteur, le départ est lancé. Désormais, les journalistes prendront chacun des directions différentes tout au long de la semaine. Comme tour de contrôle, Jean-Baptiste Botella veillera à la bonne tenue des vols. Mais la confiance règne. C’est une condition obligatoire dans ce genre de rédaction. Si un des piliers venait à flancher, c’est tout l’édifice qui pourrait trembler

« Dynamiser l’espace social »

Le rédacteur en chef se considère avant tout comme un homme de terrain. C’est donc sans se laisser prier qu’il récupère, méthodiquement, ses outils de reporters. Clé, USB, appareil photo, veste et clef de voiture, le voici à nouveau parti sur les routes pour le seul reportage de la journée. Un rendez-vous avec les élus de la commune pour finaliser un dossier prochain. Une petite récréation dans le quotidien du responsable qui avoue avoir principalement choisi ce métier pour aller à la rencontre des gens. Un journal pensé également à travers ce prisme où la parole des habitants à presque autant de valeur que d’autres, plus officielles. Un journal pensé comme pour dynamiser un territoire. « C’est à La Gazette de donner envie aux lecteurs de sortir, de dynamiser l’espace social » explique-t-il.

Une exception dans l’emploi du temps : aujourd’hui, toute l’équipe terminera à l’heure, aux alentours de 18 heures. Le reste de la semaine, c’est l’actualité qui dicte ses règles et les horaires officiels ne sont quasiment jamais respectés. Avec tout juste le Smic pour les débutants, les journalistes sont ici pour faire leurs armes. Beaucoup partiront au bout de quelques années, pour rejoindre une autre agence. Peut-être un quotidien pour qui l’hebdomadaire est souvent la porte d’entrée pour les journalistes professionnels.
Déjà bien en place dans sa récente fonction, Jean-Baptiste Botella a le privilège de pouvoir couper les ponts, lorsqu’il rentre chez lui le soir. « J’ai deux téléphones bien distincts, indique-t-il. Le professionnel est coupé lorsque je franchis le seuil de ma porte. Une coupure nécessaire pour laisser une place à une autre vie dans un métier chronophage. »

Yann Terrat