Mercredi, 13 mars 2019, les élèves de 1ère A et B du lycée linguistique de Courmayeur sont allés au bureau des guides. Ils ont rencontré le guide Luciano Mareliati, doyen des guides et mémoire vivante du métier de guide, ainsi que Alex Campedelli, jeune président du bureau des guides, qui leur ont parlé de l’évolution du métier de guide et de la gestion des déchets en montagne.
Un reportage de Ludovica Lano et Beatrice Nieroz
Le musée des guides de Courmayeur est situé sur la place de l’église, dans la zone piétonne du petit centre-ville de Courmayeur. Une grande maison blanche de trois étages avec des photos et des plaques commémoratives en pierre attachées à la façade.
Les deux guides s’accordent pour dire qu’il y a encore 20 ans, ils étaient employés à la saison. Mais aujourd’hui, ils sont employés pour seulement un ou deux jours. « Dans les années 1960, je me faisais de bons copains, je les suivais pendant plusieurs années, parfois plusieurs décennies, raconte Luciano, grand gaillard aux yeux bleus glacier et barbe blanche. Ce n’est pas pour être romantique, mais on a vécu un âge d’or du métier de guide à Courmayeur. Avant et juste après la deuxième guerre mondiale, la bourgeoisie de Milan, de Turin et de Gênes, les industriels, les intellectuels, choisissaient cet endroit où ils trouvaient un bon accueil. L’aristocratie fréquentait la montagne. »
La montagne ne serait donc plus un terrain de jeu fréquenté par des gentlemen ?
Non, selon Luciano. Le guide, qui connaît très bien la haute montagne et le massif du Mont-Blanc, regrette l’arrivée du tourisme de consommation. « Avant, il y avait du fair-play entre les guides, on laissait les pitons que l’on installait en montagne pour les guides qui suivaient. Ca c’est fini. » Alex Campedelli, président du bureau des guides, confirme cette impression et déplore l’évolution du métier, malgré son jeune âge. « Avant, je pense que l’on pouvait revoir les clients plusieurs années de suite, on grandissait ensemble, on faisait des sommets et des ascensions de plus en plus difficiles. »
Quel est l’impact de cette évolution sur l’environnement ? Là aussi, les choses ont changé. Les expéditions sont moins polluantes car le matériel est plus léger et les équipements lourds ne sont plus délaissés en haute montagne, comme ça pouvait être le cas avant. Reste le problème de la pollution autour des lieux touristiques à forte affluence. « L’environnement est tout de même plus propre qu’il y a une dizaine d’années, remarque Luciano. Sous les télésièges, il y avait des quantités de déchets, aujourd’hui les gens sont plus respectueux de l’environnement. » Malgré le fait que les touristes soient plus responsables, le plastique reste encore un gros problème, car il n’est pas dégradable. « Puisque certains ne font que passer par ici, ils se sentent moins investis, ils ont des gestes qu’ils n’auraient pas chez eux, remarque Luciano. C’est une question d’éducation. »
Pour Alex, le gros problème, ce sont les bivouacs, des refuges non gardés à haute altitude. « Les gens montent de l’équipement et laissent parfois sur place des détritus, notamment les contenants de nourriture. Il faut ensuite nettoyer. » Dans les refuges gardés, les gardiens sont responsables des déchets produits ou jetés par les utilisateurs du refuge et tout est géré par le responsable. Pour nettoyer les bivouacs, il existe dans la vallée d’Aoste des projets menés par des guides volontaires qui montent en hélicoptère dans les refuges non gardés et les bivouacs et redescendent les déchets dans la vallée. « Mais ce n’est pas assez, il reste toujours des détritus autour des structures touristiques. »
Pour Luciano, la société a changé au point que les anciens ne la reconnaissent plus.
« Il y a moins de respect envers le milieu montagnard. Je vais peut-être passer pour un vieux, peut-être que je suis trop ancien pour vivre ce temps là. Mais ce n’est plus la montagne que j’ai connue. »