L’axe autoroutier A6/A7 traversant le cœur de la capitale des Gaules est mal-aimé depuis ses origines : source de nuisances considérables, elle a finalement été déclassée en novembre 2017. Son avenir : un futur boulevard urbain végétalisé d’ici 2030. Pourtant, il fut considéré comme une preuve ultime de modernité lors de sa construction. Regard sur l’histoire et l’avenir de cette voie incontournable à Lyon.
Comme chaque année pendant les vacances, le tunnel de Fourvière faisant la liaison directe entre l’A6 et l’A7 est un véritable cauchemar pour les routiers qui l’empruntent. En effet, qui n’a pas déjà été confronté au fameux bouchon lyonnais ? D’après Le Progrès, on estime à environ 110 000 le nombre quotidien de véhicules dans ce tunnel, devenu l’emblème des problèmes de congestion de l’A6/A7. Pour beaucoup de Lyonnais, ce trajet est particulièrement pénible à effectuer.
Fourvière: le cauchemar des automobiliste
De nombreux d’automobilistes déplorent les embouteillages plus que fréquents sous le tunnel; ceux qui passent par là tous les jours vivent un enfer, comme en témoigne Daniel Serant, un professeur émérite à l’Université Claude Bernard.
Pour Astrid Maillard, responsable du projet “porte-à-porte” à la SNCF, le vrai problème aujourd’hui est le nombre trop important de voitures et donc de bouchons. En effet, trop de gens prennent la voiture pour aller au travail. Selon Astrid Maillard, tout l’enjeu est d’encourager les usagers à utiliser les modes de déplacement doux, tels que le vélo, mis à leur disposition dans le cadre de son projet « porte-à-porte ».
©Sophie Julien
De plus, la présence de l’autoroute dans la ville de Lyon est aussi synonyme de pollution, ainsi que de nuisances sonores et visuelles.
Au bord de l’autoroute A7 de Perrache à la Confluence, plusieurs employées de l’Ibis hôtel acceptent de témoigner, à condition de rester anonymes. Affirmant que l’autoroute ne les gênait pas dans leur travail, étant donné que les vacanciers remarquent nettement l’hôtel et que cela représente un avantage, elles ont cependant expliqué qu’il avait fallu adapter l’hôtel avec plusieurs travaux d’isolation (installation de double-vitrage) dans les chambres. Le déclassement serait « bénéfique » pourtant, étant donné que l’hôtel nécessite un plus gros entretien à faire à cause de la pollution.
Plusieurs habitants précisent également que la pollution est gênante, la sonorité aussi, tout en assurant s’être habitués au paysage traversé par l’autoroute au fil du temps. Pour d’autres passants, au contraire, impossible de vivre ici à cause de la vue : « Qui voudrait habiter ici ? », lance un homme à la sortie de la fête foraine toute proche.
« Ça nous rend malade, il y a plein de conséquences et puis c’est débile de couper en deux une ville par une autoroute », déclare un passant. Même avis du côté du patron de la station d’essence, pour qui la vie sur place demeure très désagréable pour les riverains, surtout vers le musée de la Confluence qui est un lieu extrêmement pollué. « S’il y a un déclassement, alors on pourra mieux vivre, mieux respirer », dit-il, avant d’inviter deux ou trois de ses clients à donner leur opinion. Au final, chacun pense qu’un déclassement serait idéal pour redonner vie non seulement à ce quartier mais aussi donner envie d’y habiter sans être gêné par le bruit, la vue, et la pollution qui nuit à la santé.
Mais comment en est-on arrivé là ? Retour sur les origines de cette infrastructure qualifiée de « connerie du siècle » par Michel Noir.
Aux origines d’une (contre) utopie urbaine
Le grand essor de l’automobile commence pendant la période de l’après-guerre et avec lui celui du réseau autoroutier en France dans les années 1960. C’est dans ce cadre de politique routière que George Pompidou fait de la construction d’une autoroute reliant Lille, Paris et Marseille une priorité absolue en 1963. Ainsi il n’hésite pas à s’exclamer « L’autoroute est l’équivalent de ce qu’est dans l’organisme humain le système circulatoire », lors de l’inauguration de l’A6 à Savigny-les-Beaune, le 29 octobre 1970. Et c’est donc en plein cœur de l’agglomération lyonnaise qu’il a été décidé que l’A6 rejoindrait l’A7, coupant au passage la ville en deux. Mais qui est à blâmer ? Louis Pradel, maire de Lyon de 1957 à 1976.
« Dans peu de temps, la traversée de Lyon pourra se faire sans rencontrer de feu rouge et notre ville sera la seule cité au monde, après Los Angeles, à se trouver dans un tel cas ». Louis Pradel, 1970
C’est en effet au retour d’un voyage à Los Angeles que le surnommé « Zizi béton » se lança dans le percement du tunnel sous la colline de Fourvière, la mise en deux fois trois voies des quais longeant le Rhône et la construction de l’imposant échangeur de Perrache afin de faire de l’ancienne Lugdunum une ville moderne, mais également dans le but de faire séjourner les touristes en transit. Honorables intentions à l’époque donc, mais aujourd’hui, ce choix se révèle catastrophique.
Comment y remédier ? Question particulièrement actuelle puisque, à l’aube du déclassement officiel de l’axe A6/A7 traversant Lyon, l’image de boulevard urbain prévu pour 2030 semble lointaine et encore très utopique.
Vers une nouvelle utopie ?
Les rives de la Saône seront aménagées de la même manière que celles du Rhône, devenant pour ainsi dire un espace agréable où l’on peut se promener au bord du fleuve.
Comme nous pouvons le remarquer, la presqu’île est devenu un espace rural au cœur de la ville. À l’emplacement de l’autoroute on discerne un long boulevard, qui sera aménagé comme les rives du Rhône.
Ce long projet de déclassement devrait se dérouler en 3 phases :
Tout d’abord, d’ici 2020, de nombreuses mesures ayant pour but de réduire le trafic sur l’A6/A7 prendront effet: interdiction des poids lourds sous le tunnel de Fourvière, abaissement de la vitesse maximale autorisée, ouverture de routes consacrées aux transports en commun et aux piétons et début de la végétalisation principalement. Ensuite, en 2025, le grand contournement de Lyon (affiché ci-dessous) sera amorcé. Enfin, à l’horizon 2030, l’Anneau des Sciences viendra boucler ce projet.
Cette nouvelle utopie sera-t-elle donc réalisable ? Certains sont sceptiques (cf. vidéo Charles de la Verpillière), d’autres enthousiastes. “Cela va peut-être nous ralentir de 10 minutes, mais par rapport à la diminution des accidents, de la pollution, et de l’essence économisée , ça vaut le coup” témoignage d’un utilisateur, qui a refusé de donner son nom, de l’autoroute A6/A7 ), mais il est certain que ce déclassement représente un défi de taille, qui plus est représentatif de l’enjeu crucial de notre société : rendre le monde dans lequel nous vivons tous un monde respectueux de l’environnement, afin de préserver les générations futures.
Olivia Gio, Alexandra Choquet-Venier, Sophie Julien
Crédit photo d’ouverture : ©Olivia Gio Embouteillages à l’entrée du tunnel de Fourvière à la veille des vacances de Noël 2017