La laiterie de La Saxe, voyage dans la vie d’antan

Dans cet hameau près de Courmayeur, les habitants mutualisaient la production de pain, de fromage et de beurre. Trois femmes gardent la mémoire de cet ancien consortium, qu’on appelait autrefois la Maison commune.


La «propriété commune» était une institution courante dans le passé. Les forêts et les alpages appartenaient souvent à des consortiums, regroupant les gens d’un ou de plusieurs villages. Le four, le moulin, l’école et la laiterie étaient gérés en commun par les ayants droit qui devaient suivre des règlements très strictes. Le 20 février 2020, les élèves de la deuxième année de l’école moyenne de Courmayeur ont passé une matinée intéressante, hors des salles de classe, pour découvrir le fonctionnement de l’ancienne laiterie de La Saxe, un hameau de la commune de Courmayeur. Accompagnés par un soleil tiède et par quelques nuages, nous nous sommes rendus dans ces lieux caractérisés par des maisons en pierre et en bois entourées de ruelles très étroites.

Igia Wuiller, l’une des trois «gardiennes» de la Maison commune. Photo © Adam 2A / 20 février 2020


La Maison commune était très importante pour le village: elle réunissait le four, l’école et la laiterie. Dans le passé, la vie était plus difficile et dure, tous les habitants d’un hameau devaient s’aider et participer à la production du pain, du fromage et du beurre. Il n’y avait pas de supermarché!
Pour arriver sur ces lieux, les élèves ont remonté la route du Col Ferret. à l’entrée du petit bourg, silencieux et désert, seules les voix stridentes des jeunes retentissent dans l’air. Sur la droite, il y a une vieille maison aux murs gris et épais. Devant elle, trois dames attendent les élèves: Maria Luisa «Igia» Wuiller, Lidia Berthod et Teresa Mochet, prêtes à expliquer comment étaient utilisés le four et la laiterie dans la vie d’antan.

Lidia Berthod et Teresa Mochet, habitantes du village et mémoire historique de la Maison commune de La Saxe. Photo © Adam 2A / 20 février 2020


Nous entrons dans la maison. Derrière une grande et robuste porte en bois foncé, on trouve à gauche une autre vieille porte, plus étroite, qui s’ouvre avec un grincement sourd sur le «vieux four», une petite chambre simple et modeste qui mène à la laiterie, composée de deux chambres. La première est très grande, rectangulaire, et on y respire une odeur humide et épaisse qui dégage des murs décrépits et rugueux. Au milieu, il y a une longue table en bois qui ne semble pas appartenir aux meubles de l’époque. Une lumière pâle et faible entre par les fenêtres. Elle laisse dans l’ombre certains coins de la pièce. On entrevoit à peine la «burire», une grande boîte ovale en bois foncé qui servait à faire le beurre, ainsi qu’un petit poêle en fonte.

Photo © Adam 2A / 20 février 2020


Igia Wuiller, une dame âgée, très gentille et énergique, raconte qu’à la place de ce dernier, il y avait auparavant un poêle gros et rond, où on mettait à cuire un chaudron géant en cuivre. Après quelques secondes, la laiterie était envahie par la fumée et par l’odeur âcre et rance du fromage. «Tout le monde au village avait des vaches, trois, six, sept ou huit. Tous les matins et tous les soirs, on portait le lait à la laiterie avec des seaux», dit avec une voix douche Igia Wuiller, nostalgique de cette époque où elle était jeune et les gens étaient solidaires. Souvent, elle devait parcourir un long chemin sous la neige froide et abondante, en portant la «boille», un grand seau avec des bretelles plein de lait blanc et frais et en marchant avec ses «soques», de lourdes chaussures en bois et en cuivre, avec des semelles à clous pour ne pas glisser.

Photo © Tommaso 2B / 20 février 2020


Ensuite, Lidia Berthod et Teresa Mochet ont conduit les élèves dans la deuxième chambre, plus petite et plus froide malgré un timide rayon de soleil qui pénétrait par une fenêtre aux vitres opaques et fins. D’une voie patiente et émue, elles ont montré tous les instruments que leurs ancêtres utilisaient pour faire du fromage et du beurre. Voilà, dans un coin, l’énorme et lourd chaudron en cuivre qui était utilisé pour faire le fromage: sa superficie n’est plus luisante comme dans le passé, elle est aujourd’hui sombre et abîmée par le temps et l’usage. Cet objet pouvait contenir 200 litres de lait, qu’on mélangeait grâce au «modon», un long outil en bois très clair qui ressemblait à un râteau. Près de la porte d’entrée, Teresa Mochet fait noter un vieux buffet en bois accroché au mur: il faut ouvrir avec délicatesse le volet poussiéreux pour découvrir des étagères avec des éprouvettes en verre taché. Elles étaient utilisées pour s’assurer que le lait était bon.

Photo © Adam 2A / 20 février 2020


Pour faire le beurre, on utilisait un chaudron plus petit, dans lequel on mettait du lait cru, blanc et gras. Avec une pelle en bois, on écrémait la crème et on la mettait dans la «burire», qui était secoué avec force par deux personnes. Ce travail exigeait du temps et de l’énergie, mais il était indispensable pour que la crème se transforme en beurre. Enfin, on coulait le beurre, délicieux et douceâtre, dans des moules en bois lisse qui avaient la forme d’un nuage. Lidia Berthod explique avec émotion qu’elle s’occupe de cette maison pour préserver le souvenir de ses ancêtres et pour garder dans son cœur l’histoire de son village: «J’ai vu travailler ici beaucoup de gens de mon village, dont je me rappelle avec amour. Je les estimais et ils étaient pour moi comme des grands-parents. Je dis toujours à mes enfants que je regrette qu’ils ne peuvent pas avoir la jeunesse que j’ai eue: on n’avait rien de tout ce qu’on a maintenant, mais on avait l’amour et l’affection pour les choses simples et les traditions

Photo © Tommaso 2B / 20 février 2020


JULIAN Classe 2A
Institution scolaire Valdigne Mont-Blanc Courmayeur

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