Les Interviews confinés

Pendant la longue période de confinement total, qui s’est achevée le 4 mai en Italie, les élèves de deuxième A et B du lycée linguistique de Courmayeur ont posé des questions à des adultes de leur entourage sur les conséquences de la crise sanitaire sur leurs métiers, leurs activités, leur vie quotidienne. Voici une série de portraits en pleine crise sanitaire dans la vallée d’Aoste.

Carlotta

Eleonora Di Dedda, 49 ans, femme et mère de 3 enfants. Elle habite à Olgiate Olona dans la province de Varese depuis 2005. Elle travaille comme infirmière à l’hôpital de Busto Arsizio.
Généralement, elle travaille dans le département de cardiologie et aussi à la clinique. Mais aujourd’hui elle a aussi une autre tâche, celle de travailler dans le «triage» pour vérifier tous les personnes qui arrivent à l’hôpital pour faire des examens.

« Le triage c’est l’un des postes les plus dangereux, parce que nous avons des contacts avec beaucoup de personnes, ne sachant pas s’ils sont infectés du Covid-19 ou s’ils sont en bonne santé. »
Son travail est de contrôler toutes les personnes qui vont à l’hôpital. Tout d’abord, elle contrôle que ces gens doivent faire une visite urgente; puis elle vérifie qu’ils ne sont pas infectés.

Pour voir si une personne est positive au Covid-19, la première chose qu’elle fait est de contrôler la température corporelle :  si elle dépasse 37,4 degrés, elle est considérée comme positive. La personne en question, sera alors isolée dans la zone «Covid» et puis il ira à la salle d’urgence. En plus de vérifier la température, elle doit contrôler la saturation de l’oxygène, très importante dans cette maladie. Si la personne n’est pas positive, elle contrôle le masque et le change si nécessaire; puis ce patient est libre de faire ses examens.

« Nous avons peur d’être infectés et ne pas le savoir. »
Au début de cette épidemie elle et ses collègues n’avaient pas les dispositifs nécessaires pour se protéger de cette maladie mais ils avaient aussi peur de ne pas réussir à garantir les places nécessaires aux malades. Heureusement, aujourd’hui ils ont tous le nécessaire pour se protéger, accueillir toutes les personnes et les infectés commencent à diminuer.

Elle a appris la nouvelle du confinement le 9 mars 2020 quand le Premier Ministre Conte a déclaré la Lombardie et toute l’Italie « zone rouge ».
Appris ça, elle été contente non pas parce que elle pouvait rester à la maison (elle devait continuer à travailler) mais parce que dans l’hôpital, le numéro des personnes malades avait chuté et aussi parce que nous approchions le pic des infectés, après lequel la courbe aurait dû diminuer.

Elle vit sa quarantaine au travail, mais aussi avec sa famille. Quand elle revient du travail, elle est très contente de voir ses enfants et son mari, qui travaille aussi comme infirmier, mais il est lui aussi fatigué pour le travail. Eleonora aime cuisiner, rester dans son jardin avec ses enfants pour jouer un peu.
La chose qui lui manque le plus c’est le contact avec les personnes et avec ses amis, qu’elle entend tous les jours par téléphone.

« La première chose que je ferai quand il redeviendra normal, c’est un apéritif avec tous mes amis. »

Greta

Nicola Boano, 45 ans, est un commerçant de Courmayeur. Il travaille dans une boucherie avec sa femme. Il a déménagé d’Alexandrie dans le Piémont à Courmayeur en 1999 avec sa femme. Quand il a découvert la quarantaine à cause du coronavirus, il était à la maison : il regardait la télévision et il a découvert que la vallée d’Aoste deviendrait une zone rouge. Son travail au cours des derniers mois a changé, il a augmenté la sécurité, il a diminué le contact avec les clients et les autres travailleurs et il utilise des gants et des masques. Nicola et ses collègues gardent leurs distances, ils portent des gants et des masques et ils ont mis en place une zone pour changer leurs vêtements de travail. Heureusement, l’entreprise est solide car son secteur concerne la vente de produits de première nécessité que les gens devraient continuer à acheter au magasin en suivant les normes de sécurité.

Francesca

Maria Granata, 55 ans, travaille dans une agence de communication. Le 9 mars, quand elle a appris la fermeture totale des activités, elle se trouvait à Milan chez elle. D’abord, dans cette situation, elle a rencontré quelques difficultés psychologiques et professionnelles, parce qu’elle avait l’habitude d’avoir des contacts personnels quotidiens avec plusieurs personnes, avec lesquelles maintenant elle devait communiquer en faisant du smart working. Elle s’est ensuite habituée à ce type d’approche avec ses clients, même en ayant parfois quelques difficultés de connexion. Ce long isolement l’a amenée à réfléchir davantage sur ses façons d’agir et de penser et, par conséquent, d’améliorer, en général, ses relations avec les autres personnes et sa famille. Elle pense que cette difficile expérience sera utile à tout le monde, parce que dorénavant on pourra apprécier avec plus de conscience tout ce qui nous entoure, même les choses les plus banales de la vie quotidienne.

Jacques

Marco Belfrond, mon oncle, 56 ans, habite à Verrand, un petit hameau de Pré Saint Didier, depuis quarante ans.

Il travaille dans le Val Ferret, où il gère l’hôtel de famille nommé Hôtel Miravalle. Il a appris la nouvelle de l’isolement quand il était au travail, ça faisait quelques jours que le gouvernement avait l’intention de fermer les hôtels mais il n’y avait rien de sûr. Un de ses amis s’était présenté dans un hôtel juste en dessous du sien et avait annoncé la nouvelle.

Il a été contraint de licencier tout le personnel : c’était une décision très triste mais obligatoire parce qu’on ne sait pas quand on pourra retourner au travail. Le personnel imaginait qu’il avait été licencié, mais mon oncle devait encore convoquer une réunion pour dire qu’il allait fermer et donc licencier tout le monde.

Beaucoup n’ayant pas de maison ont demandé à mon oncle s’il pouvait leur donner une chambre pour dormir, alors mon oncle a donné à toutes ces personnes un appartement pour surmonter cette période. Les appartements sont à louer pour les vacances, mais en cette occasion, ils ont été utilisés pour aider le personnel de l’hôtel

Dans son travail, tout changera parce que pour l’instant, toute sorte de tourisme a été arrêté dans le monde entier. Mais quand le travail reprendra, il sera forcé d’assainir les chambres à chaque fois qu’il y aura un changement de client et dans le restaurant, il sera obligé de diviser les tables par deux pour garder les distances. Il sera obligé d’embaucher moins de personnel car il y aura moins de tourisme.

Tous ses projets sont actuellement au point mort, même ceux de la modernisation et de l’extension de l’hôtel. Il devra rester fermé encore longtemps car, selon lui, cela ne vaut pas la peine d’ouvrir pour si peu de travail.

Ce ne seront pas les masques qui créeront des problèmes mais plutôt la psychose des personnes à cause de cette pandémie. Malheureusement, la peur d’être infecté limitera beaucoup le tourisme.

Davide

Gianluigi Cristofaro, 49 ans, est un employé des téléphériques de Courmayeur Mont Blanc. De manière simple, c’est un ouvrier des téléphériques. Il habite à Courmayeur, avec ma mère et moi, depuis sa naissance.

Il a appris la nouvelle du confinement et de la fermeture de toutes les usines, magasins, etc.  quand il était au travail via les nouvelles de l’actualité à la radio et via Internet, le 9 mars. Heureusement, vivant dans un village assez petit et sans infectés, il peut sortir, toujours avec un masque et des gants, faire ses courses dans les limites du confinement…

En ce qui concerne le travail, il a dû rester à la maison sans rien pouvoir faire : impossible de faire du « Smart Working » pour des raisons pratiques évidentes, donc il a commencé à voir de nombreux films et séries télévisées. Le premier jour du confinement, il m’a dit :” d’une journée de travail normale avec une moyenne de 5000 personnes par jour, nous sommes arrivés à devoir rester à la maison…”

Mais heureusement l’endroit où il travaille a pu “rouvrir” seulement pour les employeur pour pouvoir faire l’entretien des systèmes pour la saison d’été; même si tout est encore suspendu, un point d’interrogation, car il dit qu’ils doivent attendre tous les décrets d’État pour avoir la confirmation définitive de la réouverture, il dit aussi qu’en cas de réouverture, il faudra aussi voir le facteur d’assainissement des systèmes et la possibilité de maintenir une certaine distance sociale…

Cecilia

Luca Marsi, 58 ans, habite à Vincennes et travaille depuis vingt ans au département de Langues Étrangères Appliquées (LEA) de l’Université Paris Nanterre, où il enseigne l’italien et l’économie. Pour cette année universitaire, il a décidé de travailler à mi-temps et il a concentré tous ses cours au 1er semestre (septembre 2019 – janvier 2020), de manière à s’installer ensuite en Bretagne pour superviser les travaux de rénovation de sa résidence secondaire. 

En cette période de confinement dûe au coronavirus, il n’a donc pas l’obligation d’enseigner en ligne, mais, en revanche, il doit préparer sa rentrée universitaire pour l’année prochaine : il rédige du matériel didactique pour ses étudiants et participe à la correction des mémoires de Master ainsi qu’à l’élaboration des emplois du temps de son département. 

À propos des mesures de confinement, Luca dit qu’ « il faut respecter rigoureusement les normes de confinement pour ne pas se contaminer et ne pas contaminer les autres. » Il ajoute : « En Italie, il y a des normes de confinement plus restrictives qu’en France, comme l’interdiction d’exercer les activités physiques en plein air, qui sont permises ici. » 

Dans son beau refuge breton, sur la presqu’île de Crozon, il passe ses journées en faisant de la cuisine, en se promenant autour de sa maison avec son chien Mat, en jouant de la guitare…

Gabriele

Luca Cavallo, 41 ans, habite à Courmayeur.
Il travaille dans un restaurant à Courmayeur (la « Pizzeria Du Tunnel » se trouve plus ou moins 200 mètres du Lycée).
“J’ai fermé le restaurant le 8 avril , parce que je savais déjà que quelque jours plus tard,  j’aurais été obligé de le fermer pour le confinement , et en plus je ne voulais pas risquer d’attraper le virus .”
Ce restaurant est un des restaurant qui travaille le plus à Courmayeur : il y a beaucoup de touristes mais aussi beaucoup de personnes qui vivent ici qui sont clients.
Luca dit aussi : “ je pense que j’ ouvrirai ce restaurant seulement quand on pourra travailler comme avant le virus, parce qu’on a seulement 70 places et l’endroit est petit…” et il veut aussi faire des pizzas à emporter.
Le 9 mars quand le décret est tombé, Luca était à la maison, sur le sofa, regardant le JT avec Antonio Conte, le premier ministre italien. Luca est une personne très active et même pendant le confinement il a continué à travailler ; en faisant des petits travaux à la maison, en faisant le pain, il a aussi commencé à regarder beaucoup de séries sur Netflix!
En effet, sa journée typique quand il travaillait était très différente de celle de la période du confinement : quand il travaillait il se réveillait toujours à 9h30 et il allait travailler jusqu’à 15h, il revenait se reposer à la maison pour quelques heures et à 17h 30 il retournait travailler jusqu’à minuit, voire plus tard si nécessaire.
En période du confinement il se réveille toujours à une heure différente, certains jours à 7h et d’autres à 10h, il regarde la télé ou sort pour faire des travaux dans le jardin, vers 13h il mange avec sa famille et puis il regarde un peu la télé. Plus tard, il cuisine pour le dîner.
La première chose qu’il veut faire après le confinement est travailler et voir ses amis. Il attend avec impatience le jour du déconfinement.

Lorenzo

J’ai interviewé mon oncle qui vit à Charvensod. Avant la crise sanitaire et la quarantaine, il travaillait comme mécanicien dans un garage pour réparer les voiture ou mettre de l’essence. Maintenant comme tous les personnes, il est confiné à la maison.

Il en a assez de rester à la maison, il occupe son temps à ranger son garage et à mettre en ordre sa voiture. Certaines fois, il voit des amis qui traversent la rue et il se met à parler, il regarde beaucoup le journal télévisé parce qu’il n’est pas doué avec la technologie. Il sort seulement pour faire ses courses. Il m’a dit qu’il a commencé à lire beaucoup de livres policiers.

Capucine

Gaia, ma petite soeur de 14 ans, vit et passe son confinement avec ma mère et moi. Elle est étudiante au collège de Courmayeur et suit la dernière année.

Toutes les trois habitons ici à Courmayeur depuis sept ans, après avoir déménagé de France.

Elle a été mise au courant de la quarantaine définitive environ le 10 mars au JT, quelques jours après la fermeture des écoles. Le soir-même, ma mère avait appris que son dernier jour de travail aurait été le lendemain. À cause de l’isolement, Gaia ne peut pas aller à l’école et participer aux leçons normalement, donc elle travaille à la maison en envoyant les devoirs attribués pour une certaine date et en participe parfois à des cours en ligne.

À la fin de son année scolaire, elle aurait dû faire un examen final qui aurait déterminé son admission au lycée mais, vu les circonstances, rien n’est sûr. “D’un coté l’examen m’aurait permis de tester mes capacités, de l’autre je suis contente car je ne dois pas étudier”.

La sortie de classe de fin d’année, un évènement important pour Gaia, a été annulée en créant beaucoup de tristesse à tous les élèves qui auraient dû participer et passer du temps avec leurs camarades en dehors de la région.

“Je suis triste, en colère et déçue : j’aurais eu l’opportunité de passer du temps sans parents et être indépendante pendant quelques jours”.

Costanza

Giovanni Orestano, 56 ans, travaille à Milan et est un manager d’entreprise.

Il a travaillé dans plusieurs entreprises multinationales et nationales et avant même la crise sanitaire du COVID, il a dû changer d’entreprise en se déplaçant, en tant que Directeur Général, dans une entreprise qui s’occupe de services à la clientèle pour le compte de grandes entreprises italiennes. Au moment de l’annonce des limitations aux déplacements entre les régions, il se trouvait, avec toute sa famille à Courmayeur.

Devant travailler les jours suivants nécessairement à Milan, il a décidé de revenir avec toute sa famille dans la ville. Depuis le 1 avril, il a commencé le travail de la nouvelle entreprise qui est basée en Calabre, et se trouvant coincé à Milan, il a dû commencer travailler à la maison, ce qui est nouveau pour lui.

Commencer ce nouveau travail en ligne a été très difficile pour lui, ne connaissant pas de nouveaux collègues, mais au fil des jours, il a commencé à s’habituer.

« J’ai réalisé que le travail à domicile est possible, qu’il est certain que beaucoup de mauvaises choses que nous pensions pouvoir faire seulement au bureau peuvent être faites à la maison, mais je pense qu’il sera toujours nécessaire de créer des moments où les gens se rencontrent physiquement, d’une part pour interagir directement et discuter de certains sujets, d’autre part parce que le fait d’être ensemble physiquement est très important pour l’homme.

J’ai également trouvé que le travail à la maison est très pénible car les rythmes sont beaucoup plus intenses’’ Selon Giovanni, le secret pour pouvoir affronter la situation de manière positive est d’apprécier le fait de passer plus de temps avec la famille, se consacrer à des activités qui normalement ne se font pas, comme par exemple cuisiner, et consacrer du temps à la communication avec ses amis et ses proches.

« L’important est de toujours se rappeler que tout cela se fait pour le bien de ses proches, de sa communauté et de soi-même »

Didier

J’ai décidé d’interviewer ma voisine : Alessandra Scalvino qui travaille au supermarché «  famila » de Morgex pour me laisser vous parler de la situation qu’ils vivent en cette période.

Au cours des trois derniers jours, ils ont enregistré plus ou moins 450-500 entrées par jour, ce qui correspond à une augmentation d’environ 30% par rapport à la moyenne de la période. « A 11 heures du matin et entre 16h30 et 18h00 devant le magasin, nous avons enregistré une file d’attente moyenne de 40 à 50 personnes ce qui signifie au plus une heure d’attente .»

Trois ou quatre fois par jour, les gendarmes supervisent la situation en effectuant des contrôles à l’extérieur et à l’intérieur de le magasin. « Nous veillons à ce que dans les secteurs des fruits et légumes et des produits frais, il n’y ait pas plus de 5 à 6 personnes en même temps, mais en général, il y a plus 20 clients à l’intérieur. »

Elle dit que la situation est plus proche de celles de la haute saison que d’un printemps normal. « Avant, nous pouvions gérer les approvisionnements frais avec un seul camion par jour. Maintenant, nous avons également besoin de deux camions et avec un énorme engagement de la part de nous tous qui sommes actifs depuis six heures du matin et presque sans pause pour nous assurer que les étagères soient toujours pleines ».

« Nous avons observé de nombreux nouveaux visages inconnus. Il est arrivé que parmi les clients réguliers, cela ait été remarqué et signalé. Parfois sans cacher une certaine contrariété, mais sans créer de vrais moments de tension. Nous n’avons jamais eu à recourir à l’intervention de la police également car nous sommes toujours une structure locale et nous connaissons la grande majorité de nos clients en personne. Donc, si les temps d’attente s’allongent ou que des problèmes surviennent, en général, nous pouvons résoudre les problèmes avec simplicité et de petits rappels personnels ».

Martina

Marilena Careri, 48 ans, habite dans le centre ville d’Aoste. Elle est une consultante en affaires, elle travaille dans un bureau situé sur la place Chanoux.

Quand elle a découvert qu’il faudrait rester à la maison, elle était chez elle avec son copain Massimo et ses enfants. Cette annonce ne la concernait pas car ses activités professionnelles n’ont pas été suspendues, mais elle aussi a dû passer en télé-travail depuis sa maison.

Elle pense de cette situation de confinement est juste du point de vue sanitaire parce que ce virus est neuf pour l’humanité et personne ne le connaît. Elle a dit aussi qu’heureusement, il n’a pas eu des malades en famille donc elle ne peut pas se rendre compte de la gravité du phénomène. Alors quelques fois elle se plaint de ne pas sortir, de ne pas voir les amis, de ne pas boire un café au bar Chantilly, le bar de son copain.

Par contre, elle est extrêmement inquiétée pour la situation économique du Pay, mais en particulier de sa famille parce que plusieurs personnes ont des activités indépendantes qui sont fermées. La première chose que Marilena voudra faire, c’est prendre sa voiture pour aller faire du shopping à Turin et boire un verre dans son quartier, la « Gran Madre ».

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