Les sœurs malgaches de l’Hermitage

Perché sur les hauteurs de Noirétable, le monastère de l’Hermitage échappe souvent aux regards des habitants des environs. Mais derrière la façade austère, le bâtiment abrite une communauté de religieuses malgaches, envoyées par leur congrégation, qui s’emploient à faire vivre ce lieu d’accueil.

Pour beaucoup, l’austère bâtiment en granite n’offre à la vue de ceux qui approchent qu’une succession de fenêtres un peu monotones. Il y a bien cet éperon rocheux à deux têtes qui domine le paysage, mais là aussi il faut du courage et l’ascension de l’escalier creusé à même la pierre demande concentration. Osons le dire, arriver au monastère de l’Hermitage requiert une certaine foi. « On monte à l’Hermitage », ici c’est l’expression consacrée. Le lieu mérite le détour, celles qui l’occupent et tiennent la maison aussi.

Attirés par la curiosité, animés par l’envie de passer le seuil du sas d’accueil et avides d’en savoir plus sur la singularité que constitue pour nous la vie de religieuse, nous sommes allés à la rencontre de celles qui se sont engagées de manière radicale en prononçant leurs « vœux perpétuels et solennels ». Soeur Paulette sera notre guide.

« Nous ne sommes pas à part »

Au bout d’une route qui serpente entre les sapins la bâtisse surprend et interroge. Surprise, c’est toujours ouvert. « On est toujours là, les gens le savent et c’est rare que nous ne soyons qu’entre nous même comme en ce moment quand il ne fait pas très beau, qu’il y a de la neige », prévient la sœur qui nous reçoit dans le hall d’accueil au charme un peu désuet entre les statues religieuse et les improbables plantes grasses qui semblent attendre les beaux jours pour gagner un rebord de fenêtre plus clément. Pourtant le charme opère. Sœur Paulette est religieuse dans la congrégation de Notre-Dame de La Salette, une congrégation de missionnaires, accueillante et attentive aux soubresauts du monde.

Les soeurs se sont installées ici en 2000 et depuis elles sont une petite dizaine à faire vivre les lieux. « Nous ne sommes pas à part et souvent le soir les sœurs viennent avec les gens qui logent ici et regardent le journal de 20 heures ». Voilà tout est dit. L’Hermitage de Noirétable accueille les pèlerins, les randonneurs et les visiteurs d’un jour et propose le gîte et le couvert. Il y a 130 places et un gîte est même en construction pour recevoir les familles. L’histoire dure depuis 1669 avec l’installation des Bénédictins venus de Noirétable. Le bâtiment actuel date de 1951, il a été reconstruit après un incendie qui a tout ravagé. Le clocher, quand à lui, est érigé en 1935 et ne recevra une cloche qu’en 2004.

Certains jours, c’est même la grande affluence. Il faut dire que le cadre est agréable. En été quand il faut chaud et lourd dans la plaine du Forez les sapins offrent une ombre bienvenue, en automne les connaisseurs s’enfoncent dans les bois à la recherche des champignons. « Le 15 août et le 8 septembre on sert jusqu’à 500 couverts », fait remarquer la religieuse. « Les gens viennent ici en famille, certains depuis plusieurs générations, c’est la tradition », rajoute-t-elle. Si la tradition est ancré au cœur des familles, les religieuses elles sont bien arrimées au belvédère et elles sont les dépositaires d’une histoire qui a réussit à façonner les lieux et c’est vrai à la sublimer un peu.

Cuisine, comptabilité, blanhisserie

Il a du en falloir de l’engagement et de l’abnégation pour rester ici quand les rudes conditions climatiques se liguent à l’histoire pour mettre à l’épreuve les caractères. Pour raconter cette histoire c’est le Père George qui nous guide dans les couloirs de la bâtisse. On espère toucher du doigt les secrets de la vie monastique, apercevoir au détour d’une porte celles qui, croit-on, passent leur journées à prier. Et on découvre un homme qui connait parfaitement les lieux et leur histoire. De pièce en pièce il nous fait remarquer les fresques de l’église et une statue de la Vierge datant de 1682 ; miraculée de la période révolutionnaire elle reste cachée et ne fait sa réapparition qu’en 1969, elle est restaurée et installée en 1971. « Les travaux sont incessants. Les bâtiments ont besoin d’entretien et l’accueil du public doit se faire dans de bonnes conditions », précise le prêtre en regardant couler les chenaux percées d’où s’écoulent les eaux des derniers flocons de neige.

De sœurs en prière il n’en sera pas question. On apprend alors qu’ici tout le monde travaille et que les tâches sont réparties entre toutes. « On fait tout ici. Certaines sont en cuisine, d’autres à la comptabilité ou s’occupent de la blanchisserie mais on reçoit aussi l’aide de nombreux bénévoles qui viennent nous épauler », explique la religieuse. Et là on apprend qu’elles ne sont vraiment pas seules et que tout un peuple est à leurs côtés. Tout cela est d’ailleurs structuré en association. Ici parle plutôt de « famille ».

« Tient, pourquoi pas moi? »

Le père George, intarissable sur l’histoire du sanctuaire

Un mode de vie exigeant. L’investissement est total voire irréversible. On imagine alors que la présence des autres est bienvenue et qu’une dose de soutien terrestre est parfois nécessaire. Sœur Paulette, qui vient de Madagascar comme toutes les sœurs qui sont à l’Hermitage, incarne une certaine forme de courage et de persévérance. Le 19 mars 2017, elle débarque de Madagascar à Notre-Dame de la Salette dans l’Isère, à 1800m d’altitude. « S’adapter demande alors de l’humilité et de la disponibilité », dit-elle sur le ton de la confidence. On devine qu’il lui a fallu peut-être plus que ça. « C’est dur de partir de chez soi. On laisse ses parents , ses frères et ses sœurs ». Elle raconte la vie quotidienne avec l’insécurité, le chômage, les prix qui augmentent sans cesse et l’école qu’il faut payer quand le salaire moyen mensuel est de 50 €. C’est dans ce cadre qu’elle raconte son chemin personnel. « Après le bac, je suis rentrée chez moi et j’ai dit je veux être religieuse », dit-elle.

Pas si simple dans un pays où la tradition veut que les aînés aident les parents. Elle raconte alors les six années d’un parcours codifié et très ritualisé qui se conclut par la cérémonie des vœux et la prise de l’habit. « J’ai prononcée mes voeux en France en 2010. J’étais toute seule, sans mes parents alors que j’avais rêvé les voir ici », dit-elle un brin nostalgique. On devine quand même une personne tournée vers les autres, sensible aux plus fragiles, touchée par les laissés pour compte et préoccupée par les enfants et l’éducation. Elle aurait pu travailler avec eux dans un autre cadre mais elle le dit avec une simplicité qui stupéfait : « un jour j’ai vue les religieuses près de chez nous, j’ai écouté et je me suis dit: tient! pourquoi pas moi ?Et aujourd’hui je suis de plus en plus heureuse. Vraiment je ne regrette rien! ».

La vie à l’Hermitage demeure monotone. « Les journées sont bien chargées. De 7 heures à 21 heures au-delà des travaux nécessaires il y a quatre temps de prière. Et puis il y a sans cesse du monde qui passe. On reçoit des gens qui veulent parler, qui ont besoin de se confier », s’empresse de rajouter sœur Paulette. Le lieu, éloigné de tout, se prête à la méditation. Voilà peut-être la clé du succès. « On reçoit aussi des étudiants qui préparent des concours et qui viennent ici pour réviser pendant une semaine en profitant du calme et de la sérénité des lieux », nous raconte-t-elle avec cette fois un regard complice.

Lorsqu’on prend congés de notre hôte le soir tombe. Le parking est boueux, les engins de chantier ont laissé des marques profondes dans la terre meuble. La route sinueuse descend en lacets vers le village. « Attendez!! On fait une photo de l’Hermitage! », un peu aimanté on se retourne ; une , deux , encore un autre. Beau panorama! Bel endroit. Belles personnes.

Adrien Kudla, Kilian Camela, Florent Ducroux,Maxence Gagnaire, Emma Pardon