Un reportage de Maëlys, Mateo, Marion, Enes, Souhayb
Lundi 27 avril, la classe de la 4ème B du collège Samivel a fait le déplacement à Chamonix pour rencontrer Ludovic Ravanel, géomorphologue pour le CNRS, centre national de la recherche scientifique. Il nous explique les conséquences du réchauffement climatique sur la Mer de Glace et la transformation inévitable du milieu montagnard.
Il a neigé et il fait encore frais devant la gare du Montenvers lorsque nous rencontrons Ludovic Ravanel, géomorphologue. Ce jeune homme de 36 ans est un scientifique spécialisé dans les milieux de haute montagne à plus de 2000 mètres d’altitude. « Nous étudions tout ce qui bouge en montagne, tout ce qui potentiellement peut être déstabilisé par des processus dus au réchauffement climatique : les glaciers, les parois rocheuses et les moraines glaciaires, la physionomie des montagnes. «
Le petit train rouge de deux wagons à crémaillère, équipé d’une roue dentée en dessous qui permet de monter des pentes très fortes, roule lentement. Nous avons même le temps de voir un chevreuil dans les pentes boisées. Par les grandes fenêtres qui s’ouvrent de bas en haut nous pouvons observer la vue imprenable sur Chamonix et le téléphérique du Brévent.
La Mer de Glace, troisième plus important glacier des Alpes, a été baptisée par deux jeunes anglais William Windham et Richard Pococke en 1741 qui sont partis de Genève et sont montés au Montenvers avec des chasseurs de chamois et de cristaux puisqu’ils étaient les seuls à pouvoir monter. Quand ils ont vu ce glacier, ils l’ont nommé la Mer de Glace car il ressemblait à une mer agitée.
Le terminus du train est situé à la terrasse de Montenvers, à 1913 m d’altitude. Face à quelques aménagements touristiques, une boutique et un restaurant, nous pouvons admirer une magnifique vue sur les sommets mythiques : les Drus, la Dent du Géant, le Mont Blanc du Tacul. Et, très loin en contrebas, la Mer de Glace.
Il faut s’imaginer que 150 ans en arrière, la Mer de Glace glissait une dizaine de mètres sous la terrasse. Aujourd’hui, un téléphérique et un escalier de 530 marches permettent d’accéder au glacier. Preuve que la Mer de Glace a perdu en épaisseur. « Le glacier a perdu 150 mètres de glace en 150 ans, explique Ludovic. Les glaciers sont blancs et renvoient la radiation solaire. Plus il fait chaud, plus les glaciers se retirent, plus les glaciers se retirent plus il y a de rochers qui accumulent la chaleur. » C’est un cercle infernal.
« Les montagnes vont s’écrouler, les glaciers vont se retirer. »
L’évolution du glacier va en s’accélérant. Plus les années passent, plus elles sont chaudes et plus la glace fond. Le glacier de la Mer de Glace recule chaque année de 30 mètres et perd de 4 à 6 mètres d’épaisseur. « Cette langue de glace aura probablement disparu dans 50 ans, poursuit Ludovic. Les 70 mètres d’épaisseur restant auront fondu. D’une longueur de 10 kilomètres en 1870, le glacier mesure aujourd’hui 7 kilomètres. Quelles sont les conséquences sur le milieu montagnard ?
Au-delà de la disparition progressive des glaciers, le réchauffement climatique entraîne une déstabilisation globale des montagnes. En cause, la fonte du permafrost, le sol gelé en permanence, été comme hiver. » Le permafrost, c’est une sorte de ciment qui soutient les montagnes. Si il fond, la montagne s’en trouve déstabilisée « .
De la terrasse, on voit de grandes trainées grises sur le flanc de certains sommets. C’est le cas de la face nord des Drus, lacérée par une balafre grise de 700 mètres de hauteur. » En 2005, 265 000 mètres cubes de roches de la face Ouest se sont effondrées dans la vallée. Depuis, d’autres éboulements se sont produits. C’est l’évolution future du massif du Mont-Blanc. »
Le réchauffement climatique lui même n’est pas homogène partout autour de la planète. La planète se réchauffe globalement mais pas à la même vitesse partout. Les milieux de haute montagne c’est comme les régions polaires, ça se réchauffe plus vite que la moyenne générale du globe. Ici on est dans un secteur qui se réchauffe deux à trois fois plus vite que la moyenne globale. C’est le cas pour quasiment tous les massifs de montagnes à travers le monde. »
Chamonix, futur désert touristique ?
« Pour Chamonix spécifiquement, cela aura un impact touristique parce que la montagne peut-être attirera moins par rapport à ces paysages. Par contre, elle attirera peut-être plus en lien avec les températures qui seront plus fraîches que partout ailleurs. Les gens vont peut-être venir se mettre au frais en montagne. Par contre, les risques naturels sont nombreux et peuvent impacter les fonds de vallées : glissement de terrains, avalanches rocheuses, laves torrentielles…. «
La municipalité doit faire face à des questions d’ordre économique, de gestion des risques naturels et du tourisme. La pratique de l’alpinisme, par exemple, va être bouleversée. Actuellement, la haute saison est en juillet et en août. Mais avec la montée des températures, il faudra pratiquer l’alpinisme en fin d’hiver ou au début du printemps. Mais la clientèle est absente à cette période. La vallée de Chamonix doit se préparer aux conséquences du réchauffement climatique, certaines encore inconnues. Un défi pour les générations futures.