Pour changer de vie, Yalçin a encore du pain sur la planche

Un portrait rédigé par Lætitia, Gizem, Hugo, Insavannh, Haron, envoyés spéciaux à Bonneville.

Yalçin Oktay est le gérant de la Boulangerie de la Gare, connue de tous les Bonnevillois. Il raconte son parcours d’intégration et ses projets d’avenir aux élèves de 4ème E du collège Samivel.

Lorsqu’on entre dans la boulangerie, l’odeur du pain et des pâtisseries nous saute aux narines. Située en face de la gare, la boulangerie est moderne, grande, avec un pan de mur entier recouvert d’une photo d’un vieux train américain. Yalçin Oktay nous accueille autour d’un café, sur les hautes tables de la cafétéria.

Originaire du petit village de Yozgat, situé en plein centre de la Turquie, Yalçin arrive en France à 7 ans, en 1974, lorsque ses parents s’installent dans le petit village d’Abondance. Deux ans plus tard, à la mort de leur mère, la fratrie repart en Turquie puis revient en France avec son père et sa belle-mère.

« Mon père nous a dit qu’ils en avaient beaucoup bavé, en arrivant en France, raconte Yalçin. Pour nous, quand on est enfant, c’était plus simple. On se fait toujours des copains et des copines. La vie s’est lancée comme ça. » Sur les 10 frères et sœurs de la famille Oktay, tous habitent et travaillent en France ou en Suisse : dans une usine de décolletage à Vougy, un centre de contrôle technique à Marnaz, chez Rolex à Genève, peintre en Suisse, gérante de salon de kebab à St-Pierre en Faucigny.

Yalçin propose des pâtisseries françaises, parfois aux couleurs du drapeau turc.

Son intégration ici ? « J’ai eu un peu peur au début. Quand on a ouvert la boulangerie avec mon associé , c’était compliqué. J’avais peur que les clients ne viennent pas parce que j’étais turc. Mais en en mettant pas en avant les produits turcs, je me suis dit que j’allais avoir de la clientèle. C’est ce qui s’est passé. »

Grâce à son savoir-faire des pâtisseries, Yalçin a réussi à fidéliser une clientèle. Grâce aussi à la présence d’une forte communauté musulmane, intéressée par les produits halals. « Mon chiffre d’affaires a explosé du fait de la présence de cette communauté. » Selon le boulanger, 20 à 30 % de sa clientèle serait musulmane.

« Une fois que j’ai eu beaucoup de clients, j’ai intégré des produits turcs. Là, je n’ai pas encore tout mis, raconte-t-il en désignant les vitrines. On va proposer des baklavas et des böreks avec le début du ramadan. »

Yalçin a connu une mauvaise expérience avec un ancien patron. La boulangerie avait beaucoup de clients mais il ne pouvait pas les servir, parce que le patron avait peur que Yalçin les fasse fuir. Il ne travaillait que dans l’arrière-boutique, jamais en relation avec les clients. « Ça m’a beaucoup marqué, mais ce n’est plus un problème pour moi aujourd’hui. « 

Yalçin a un projet : partir dans son pays, la Turquie, et faire découvrir la pâtisserie française là-bas. Selon lui, les pâtisseries turques sont moins bonnes qu’en France. « J’ai un copain qui s’ est installé à Antalya et qui cartonne trois fois plus que nous. »

Yalçin a pour projet de ramener en Turquie son savoir-faire français.

Tout est parti de l’anniversaire de sa fille qu’il avait voulu fêter en Turquie. « J’étais allé chercher un gâteau d’anniversaire et les gâteaux ne me plaisaient pas. J’ai demandé au gérant de me prêter son labo. J’y suis resté deux heures et lorsqu’il a vu ma pâtisserie, il m’a dit : « Toi, laisse tout tomber, reste là, je te donne tout ce que tu veux… » Il a vu la différence et il m’a dit qu’il y avait du pain sur la planche pour en arriver là. C’est de là que m’est venue l’idée de m’installer là-bas. »

Dans quelques années, Yalçin voudrait s’installer à Istanbul, la capitale économique turque. « Il y a de tout, là-bas. C’est une ville touristique. Ce sera peut-être difficile, mais j’ai confiance. Ici, beaucoup de gens m’ont découragé au début, ils me disaient que ça n’allait pas marcher, mais quand on est têtu, ça marche. Et je suis très têtu. »

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