Xavier Dunand: «Dans la vallée de Chamonix, la biodiversité est fragile, il faut en prendre soin»

Xavier Dunand, président de l’Association des réserves naturelles des Aiguilles Rouges, a été invité par la classe 3èmeC du collège Roger Frison Roche de Chamonix dans le cadre de la résidence journalistique sur le thème «Chamonix face aux enjeux de la transition écologique».

La création d’une réserve a pour but de faire admirer la beauté de la nature, de la préserver et de faire prendre conscience au public de l’impact des activités humaines sur l’environnement. Xavier Dunand, président de l’Association des réserves naturelles des Aiguilles Rouges (ANAR), explique le rôle que joue l’ANAR dans la transition écologique de la région.

Tout d’abord, où se situe la réserve naturelle des Aiguilles Rouges ? Et quelles sont les communes concernées?
Xavier Dunand: Elle se situe dans le massif montagneux des Aiguilles Rouges, en face du Mont-Blanc, dans le versant riche en biodiversité, qui est moins parcouru par les randonneurs. La réserve concerne les communes de Vallorcine et de Chamonix.

Quand l’association ANAR a-t-elle vu le jour? 
En 1972. Elle va fêter 50 ans cette année. Elle a été fondée pour faire découvrir la montagne et la nature. La réserve, elle, a été créée deux ans plus tard, en août 1974, par arrêté ministériel. Dès le début, elle a été gérée par l’ANAR, qui a pris par exemple en charge la gestion des gardes de la réserve et d’autres missions qui lui ont été déléguées dans le cadre du service public national. Au fil des ans, l’ANAR a intégré les réserves de Carlaveyron et du Vallon de Bérard.
Aujourd’hui, la réserve des Aiguilles Rouges est gérée par l’association Asters, chargée de l’ensemble des réserves de la Haute-Savoie. L’ANAR est appelée à donner son avis sur la gestion de la réserve et prend des initiatives en matière éducative et scientifique. Il faut rappeler que le comité scientifique a été créé dès la fondation de l’association pour observer la nature et sensibiliser à sa beauté. Des étudiants viennent régulièrement en été. Ils font un stage pour travailler ensuite dans les réserves naturelles. 

Y a-t-il des recherches scientifiques en cours dans la réserve?
Il y en a beaucoup qui sont motivées par la pollution, qui peut causer des troubles, des difficultés et des maladies, mais aussi la transformation d’un écosystème. On observe par exemple que certaines plantes, qui résistent à la pollution, sont apparues dans la réserve. On peut aussi voir que certains animaux, comme les chamois, vont lécher le sel qu’on met en hiver sur les routes parce qu’ils en ont besoin pour leur digestion. L’environnement change sous l’impulsion des activités humaines et les espèces adaptent leur comportement. Les scientifiques ont ainsi de nouveaux points de vue sur l’évolution de la nature. D’autres études ont été menées sur les oiseaux, sur le chocard par exemple, qui se nourrit dans les pâturages et alpages, en bordure des plaques de neige fondante.

Quelles sont les espèces animales et végétales protégées dans la réserve?
Elles sont très nombreuses, je ne peux pas toutes vous les dire. Mais il y a le loup, qui revient dans notre vallée, une espèce protégée emblématique. Cinq ou six bouquetins ont été réintroduits récemment, il y en a environ 500 dans la réserve. Il y a aussi des renards, des chevreuils, des cerfs, des écureuils, des marmottes. Sans oublier les espèces végétales, des arbres aux plantes, jusqu’aux plus simples, comme les fougères et les mousses.

Le Tour du Mont-Blanc et le Trail des Aiguilles Rouges sont autorisés au cœur de la réserve. Quel est l’impact sur la faune et la flore? 
Avec le Tour et le Trail, il y a aussi des randonnées très fréquentées comme par exemple celle qui mène au Lac Blanc, avec parfois une participation de plus de 3000 personnes. Il y aussi bien d’autres événements autorisés par l’État, après avoir examiné les différents avis sur l’impact de la fréquentation sur ces lieux. Enfin, la randonnée est libre, tout comme les activités d’alpinisme, mais elles dérangent les oiseaux, les bouquetins et d’autres animaux. On peut se demander en effet pourquoi préserver la nature et permettre à tout le monde d’aller dans des endroits sauvages protégés.

Y a-t-il beaucoup de déchets dans la réserve après les compétitions?
Les organisateurs ont l’obligation de nettoyer après le passage du Tour et du Trail. Les participants ne laissent donc pas de trace et tous les déchets vont dans une grande décharge. Dans la réserve, les gardes sont chargés de coller des amendes. Mais ils informent d’abord les randonneurs des règles à respecter, de façon à prévenir les problèmes.

Quelles leçons faut-il retenir de l’expérience de votre association cinquante ans après?
à 50 ans, cette association a déjà un bel âge. Si on regarde en arrière, et on observe la nature comme elle était à cette époque-là, c’était quelque chose d’assez utopique de vouloir préserver un environnement naturel pour qu’il continue de nous apporter beaucoup de belles choses à partager. Un demi-siècle plus tard, à mon sens, ce qu’il faut retenir, c’est que il n’y a aucun sens de constituer des espaces protégés pour pouvoir détruire la nature qu’il y a autour. Il faut protéger toute la nature, dans son ensemble, et prendre soin de la biodiversité. La nature est belle, mais fragile, il faut y faire attention.

Propos recueillis par Émile, avec la collaboration de Samuel (opérateur audio),
la retranscription de l’entretien audio a été réalisée par Hugo et Geoffroy,
le texte introductif par Alice et Zoè M., élèves de la classe 3èmeC
du Collège Roger Frison Roche de Chamonix / Mars 2022

Xavier Dunant, président de l’Association des réserves naturelles des Aiguilles Rouges à Chamonix. Photo © Jannelle / Classe 3èmeC / Collège Roger Frison Roche de Chamonix / Mars 2022

Logo Parcours - Interreg