Abeilles en danger.

 Des ruches entières se vident subitement de leurs pensionnaires. Que se passe-t-il donc ? Une enquête est ouverte. Nicolas Chantelauze et Paul Gentil, deux apiculteurs de la région Auvergne-Rhône-Alpes, témoignent.

Nicolas Chantelauze au travail

Les apiculteurs sont les premiers à constater la diminution des populations d’abeilles. Leur activité, l’apiculture, consiste à élever des abeilles et à élaborer du miel mais aussi récolter du pollen, du miel en rayon. L’apiculteur dispose ses ruches en différents endroits, les déplace selon la saison afin que les abeilles puissent butiner. Dès que la température atteint environ 15°C, elles sont prêtes à sortir et à butiner. La saison débute donc fin février pour se terminer en octobre : les travailleuses ont du temps devant elles pour pouvoir produire.

Mais les productions diminuent, les abeilles disparaissent. Trois grands coupables, qui agissent de plus ou moins longue date, peuvent être identifiés.

Un acarien : le Varroa

La mortalité des abeilles dans certaines ruches est toujours présente à cause d’un acarien : le varroa,  qui transmet un virus aux abeilles et les tuent. Il existe plusieurs type de traitements pour lutter contre ce parasite dont on ne peut totalement débarrasser la ruche : des moyens physiques, naturels pour attirer puis faire périr les varroas ou un traitement médicamenteux, particulièrement délicat à utiliser car il amoindrit la qualité du miel. Ce traitement également est très nocif pour les abeilles : elles ont du mal à le supporter. Nicolas Chantelauze se dit « très inquiet pour sa production malgré le traitement car celui-ci affaiblit ses abeilles».

Un pesticide dévastateur

Les néonicotinoïdes sont une sorte d’insecticides neurotoxiques, présents sur le marché depuis 1994. Ils sont diffusés dans l’ensemble des parties de la plante, y compris les fleurs, dans lesquelles les abeilles vont puiser le pollen et le nectar. Ils regroupent des molécules telles que l’imidaclopride, le thiaméthoxam ou la clothianidine commercialisées sous les noms de « Gaucho » ou de « Cruiser ». Tous ces produits sont dangereux pour l’abeille au stade du semis, de la floraison mais aussi lors du phénomène de guttation (processus biologique de transpiration des plantes et source importante d’eau pour l’hyménoptère).

 

Les impacts environnementaux

 

Depuis quelques années, le paysage agricole français a changé : moins de petits champs, mais parfois des champs  à perte de vue. Pour faciliter le travail de la terre avec des engins de plus en plus gros et perfectionnés, les haies ont été arrachées, ce qui entraîne un appauvrissement de la biodiversité et de la nourriture pour les abeilles.

Il est également possible de constater une modification des types de productions agricoles. Les plantations de maïs, par exemple,  sont nombreuses et engendrent une diminution de prairies naturelles et de fleurs, et donc de pollen.

Enfin, un des changements est lié à la surproduction agricole qui entraîne un accroissement des produits phytosanitaires comme les insecticides. C’est ainsi que, paradoxalement, les apiculteurs arrivent à avoir une meilleure production en ville qu’en campagne car les pesticides sont moins présents.

D’après Nicolas Chantelauze, « ces critères ont entraîné une diminution massive du nombre d’abeilles, diminution qui a cependant pu être stoppée par une implantation réfléchie des ruches démontrant ainsi l’impact de l’environnement sur les abeilles ».

Changer les habitudes de consommation

Paul Gentil sur le marché de Chassieu

Sur le marché de Chassieu, un couple attend pour acheter son miel. Ils n’en achètent plus en supermarché et sont de fidèles clients du producteur Paul Gentil.  « Je n’achète plus de miel en grandes surfaces car après avoir acheté du miel sur des marchés, je ressens la différence au niveau de sa qualité », raconte cette cliente avertie.  Plus loin, au supermarché du coin, un jeune homme interrogé n’a pas l’intention de changer ses habitudes :  « Je ne fais pas attention au miel que j’achète car le miel de grandes surfaces est moins cher et plus facile à obtenir car je n’ai pas forcément le temps d’aller en acheter au marché », reconnaît-il. De plus en plus de consommateurs prennent conscience de la mauvaise qualité de certains miels en grandes surfaces mais il reste difficile de changer ses habitudes. D’après l’enquête de France AgriMer, 45% du miel est acheté en grande surface et 32 % auprès des apiculteurs sur le marché.

La disparition des abeilles est un  problème sérieux à diverses échelles… A l’échelle de l’apiculteur, c’est aussi une perte d’argent. A cause de ces trois facteurs nocifs aux abeilles (varroa, pesticides et environnement) Paul Gentil s’inquiète : « certains apiculteurs ont une production de 35kg de miel pour trois ruches, alors que l’année précédente, ils avaient une production équivalente à environ 120kg de miel ».

En France, 35 000 tonnes de miel sont vendues alors que seulement 15 000 tonnes de miel ont été produites sur le territoire français. La majorité du miel vendue provient donc de l’étranger, ce qui a pour conséquence d’aggraver l’empreinte écologique en raison du transport.

De plus en 20 ans, la production nationale est passée de 35 000 à 13 000 tonnes, soit une baisse de plus de 60 % ! En 2018, le nombre d’apiculteurs est estimé à environ 52 000.  On est passé de 84 000 apiculteurs en 1984 à 41 000 apiculteurs en 2010. Mais le nombre d’apiculteurs augmente de nouveau ces dernières années.

Enfin, c’est un problème qui se pose à l’échelle de l’Homme. En effet, par leur rôle de pollinisateurs, les abeilles jouent un rôle crucial pour l’alimentation des êtres humains.