Les nouvelles vies des Maisons fortes

Moins connu que le ski ou que les activités de montagne, le patrimoine architectural et historique de la Haute-Savoie est pourtant riche, notamment celui des maisons fortes disséminées sur le territoire. Des bâtiments qu’il faut restaurer et faire revivre. Une fouille journalistique des élèves de 5e 3 du collège Jean-Jacques Gallay de Scionzier.

Les maisons fortes de Haute-Savoie datent pour la plupart des XIIIe et XIVe siècles. Elles sont des traces de l’histoire du Moyen-Âge dans la région. Elles appartenaient aux familles de nobles comme les sires du Faucigny à Saint-Gervais, les seigneurs installés dans le château de Bonneville, ou la famille de Loche à Magland.

Des bâtiments défensifs différents des châteaux

Les maisons fortes servaient à garder les vallées pour défendre les frontières. Chaque maison forte n’était pas défensive individuellement, mais il existait en réalité plusieurs maisons, qui formaient un réseau, un système défensif. Mais ces maisons fortes permettaient surtout d’administrer la vie du territoire, de lever les taxes et de gérer la production locale.
Les maisons fortes possèdent des éléments caractéristiques de l’architecture fortifiée, notamment l’épaisseur des murs. On retrouve des ouvertures qui font penser à des meurtrières, mais qui n’en sont pas. Ces bâtiments n’ont pas de pont-levis, pas de douves, pas de donjon, qui sont des éléments typiques de l’architecture d’un château. C’est ce qui différencie la maison forte du château fort. 

On note l’existence de fenêtres avec des rebords, des appuis, en dessous des fenêtres. Des fenêtres « à meneaux », ou « à croisées » typiques de l’architecture des maisons fortes, que l’on retrouve à plusieurs endroits, qui datent de la fin du Moyen-Âge et du début de la Renaissance. C’est une fenêtre que l’on a rouverte pendant la restauration du bâtiment, mais qui existait probablement déjà avant. Ces bâtiments possèdent souvent un toit à quatre pans, qui était typique des maisons fortes.

Linteaux en accolades à la maison forte de Saint-Gervais. Photo : 5e3, Jean-Jacques Gallay

L’importance des fouilles

Certains bâtiments visités font l’objet de fouilles archéologiques. Les archéologues cherchent à connaître le passé du bâtiment, son histoire, le mode de vie des anciens habitants. Les archéologues font des fouilles pour trouver des fondations, des pièces, des informations sur l’histoire de la maison forte ou du château fort.

Les fouilles organisées sur place permettent de découvrir des aspects oubliés de ces bâtiments. Par exemple, à Bonneville, une crypte cachée a été révélée. Une trouvaille exceptionnelle, qui n’arrive « qu’une ou deux fois par carrière », explique Loïc Benoît, qui a dirigé les fouilles à Bonneville.

LIRE L’INTERVIEW DE LOÏC BENOÎT

L’étude des maisons forte et des châteaux permet aussi de comprendre leur évolution. A Saint-Gervais, la guide explique ainsi que certaines fenêtres ont été créée ou fermées selon les époques. Il est encore possible d’observer des fenêtres gothiques, avec des « linteaux en accolades » au-dessus des ouvertures. Certains partis du bâtiment ont pu être rasées dans le passé. A Saint-Gervais, il est possible de voir des pierres qui ressortent du mur, qui sont des restes d’anciens bâtiments qui avaient été construits le long de la maison forte mais qui n’existent plus aujourd’hui.

LIRE L’INTERVIEW DE CHRISTOPHE GUFFOND :

Faire revivre le passé

Ces connaissances sont aussi cruciales pour pouvoir restaurer ces monuments. L’objectif est de transmettre ce patrimoine aux générations futures. La restauration vise à éviter que la structure ne s’effondre. Ils restaurent des bâtiments médiévaux ou certaines parties.

Les professionnels peuvent s’appuyer sur les maisons fortes voisines, nombreuses en Haute-Savoie, pour restaurer le plus fidèlement possible les bâtiments.

A la maison forte de Hautetour, à Saint-Gervais, des fenêtres ont été conservées pour garder l’aspect de la maison forte qui date du XIIIe siècle. Ils ne veulent pas les détruire car ce sont des fenêtres très anciennes, très rares. On veut les restaurer pour les montrer au passant et garder leur rareté. Certaines fenêtres du XVIIIe siècle ont été conservées.

Pour les restaurations, il est possible de s’inspirer des autres maisons fortes en bon état. A Magland, Christophe Chieze souhaite restaurer une maison forte, reconvertie en bar au XXe siècle. Pour cela il va « détruire » une partie du bâtiment ajoutée récemment, mais conserver les parties les plus anciennes.

Restauration ou rénovation ? Une restauration, cela veut dire qu'on fait des recherches sur l'histoire du bâtiment, pour lui rendre l'aspect qu'il a eu à une certaine époque. Quand on fait des restaurations, c'est difficile parce qu'il y a souvent différentes époques. Quand on restaure un bâtiment, on ne peut pas faire n'importe quoi. On doit regarder ce qui a été vrai historiquement. Tandis que quand on fait une rénovation, on peut mettre ce que l'on veut. 

Une seconde jeunesse

Une fois réhabilités, ces bâtiments doivent avoir un but, pour continuer à faire vivre les lieux. Certains accueillent du public. Le château de Bonneville, qui vient d’être rénové, propose des jeux de piste, des visites guidées théâtralisées, ou des spectacles pendant l’été. La maison forte de Hautetour est devenue un musée sur la Compagnie des guides de Saint-Gervais et accueille quelques résidences d’artistes.  A Magland, où la maison forte n’a pas encore été rénové, le projet est de construire un centre d’art, permettant de présenter au public de la région des œuvres diverses, de la peinture à la sculpture en passant par la musique ou le spectacle vivant. Le choix des activités installées dans ces lieux permet de transmettre le patrimoine autrement que par de simples visites.

LIRE L’INTERVIEW DE CHRISTOPHE CHIEZE

Finances et politique

Que ce soit pour la restauration, pour l’installation de musée ou pour faire vivre les lieux au quotidien, il faut des sous. Christophe Chieze estime qu’il a besoin de 5 millions d’euros pour créer son projet. Une somme importante, qu’il espère obtenir auprès des pouvoirs publics, mais aussi des industriels de la vallée de l’Arve, très nombreux. Mais la majorité des projets liés au patrimoine sont financés par les collectivités locales (département, région…) ou par l’Union Européenne.

LIRE LES INTERVIEWS DE RESPONSABLES POLITIQUES

Pour les élus, c’est aussi un investissement : ils paient pour restaurer les maisons fortes, mais en échange les territoires peuvent développer du tourisme ou des activités culturelles, en complément avec les principales activités alpines. Par exemple, à Magland, l’installation prochaine du Funiflaine, un téléphérique qui pourra relier la vallée à la station de ski de Flaine, pourrait permettre l’arrivée de nouveaux touristes dans la maison forte, notamment « les jours de mauvais temps », espère Christophe Chieze. Mais ces lieux sont avant tout faits pour les habitants et pour leur permettre de mieux connaître leur patrimoine.  


Enquête effectuée par la classe de 5e3 du collège Jean-Jacques Gallay.

Logo Parcours - Interreg